- GIBBÉRELLINES
- GIBBÉRELLINESIl est de coutume de considérer que le premier régulateur de croissance qui fut découvert est l’auxine (1927). En fait, quelques années auparavant, un jeune chercheur japonais, Kurosawa, consacrait ses recherches à une maladie du riz (le bakanae ) due à un champignon pathogène, le Fusarium heterosporum appelé encore Gibberella fujikuroi ; cette maladie est caractérisée surtout par un allongement excessif des tiges entraînant la verse des plants.En 1926, Kurosawa montrait qu’un filtrat de culture de Gibberella , appliqué à des plants sains, produisait une élongation anormale des tiges. Il isolait de ces filtrats une substance active qu’il appela gibbérelline. En 1939, Yabuta et Hahashi obtenaient la gibbérelline à l’état cristallisé, mais ils démontraient qu’il s’agissait en fait d’un mélange de plusieurs substances de structure voisine.Après la Seconde Guerre mondiale, des chercheurs anglais et américains réalisent la purification des gibbérellines des champignons, identifient leur structure et montrent leur influence sur la croissance des plantes naines et des plantes en rosette; ils les extraient aussi des végétaux supérieurs, prouvant ainsi qu’il ne s’agit pas de substances pharmaco-dynamiques, mais de régulateurs de croissance, donc de substances hormonales.Structure et synthèseOn connaît plusieurs dizaines de gibbérellines différentes, réparties dans tout le règne végétal, et notées de GA1 à GAn (GA = acide gibbérellique). Leurs structures ne diffèrent que par des détails. La plus répandue, qui est commercialisée, est GA3. De plus, divers composés (gibberellin-like substances ) ont des propriétés voisines.Pour être considérée comme une gibbérelline typique, une substance doit satisfaire à deux sortes de critères: sa structure doit comporter un noyau gibbane (fig. 1); elle doit répondre spécifiquement à certains tests dont les plus classiques sont la stimulation de la croissance de mutants nains et l’induction d’une enzyme, l’ 見-amylase, dans la couche à aleurone des grains d’orge. Toutefois, toute substance possédant un noyau gibbane n’est pas nécessairement active et de faibles variations de structure peuvent leur conférer une spécificité envers certains tests.Outre des gibbérellines à fonction acide, les plantes contiennent également des gibbérellines neutres qui dériveraient des précédentes par estérification de leur groupement carboxyle.Les gibbérellines sont synthétisées suivant la chaîne normale de biosynthèse des terpènes (fig. 1) à partir de l’acide mévalonique qui provient de la condensation de trois molécules d’acétate. Certaines gibbérellines apparaissent comme les précurseurs d’autres gibbérellines. Ainsi, chez Gibberella fujikuroi , GA4 et GA7 sont respectivement précurseurs de GA1 et de GA3. Ces deux transformations sont sous la dépendance d’un seul gène, ce qui s’explique aisément puisqu’elles consistent en une hydroxylation du cycle C en position 7. De même, chez les végétaux supérieurs, on peut démontrer la conversion de GA5 en GA1.Leur synthèse peut être inhibée par des substances telles que le chlorure de (2-chloréthyl)-triméthyl ammonium (CCC) dont l’action entraîne une diminution du niveau de gibbérellines endogènes.Une élévation de ce niveau ne signifie pas nécessairement une augmentation de la synthèse. Ainsi, les graines immatures sont particulièrement riches en gibbérellines, alors que la teneur paraît diminuer nettement au cours de leur maturation: les gibbérellines deviendraient inactives, probablement en se liant à une protéine; au cours des deux premiers jours de la germination, elles sont progressivement libérées sous l’action des protéases.Les sites de synthèse ne sont pas connus. Cependant, on considère que les régions les plus riches en gibbérellines sont les lieux mêmes de leur synthèse: région apicale des bourgeons et des racines, jeunes feuilles.Rôle des gibbérellines endogènesLe rôle des gibbérellines endogènes dans les processus de développement peut être mis en évidence par trois types d’expériences: l’analyse parallèle de l’intensité d’un phénomène physiologique et de la teneur en gibbérellines endogènes; l’utilisation de mutants incapables de synthétiser les substances; l’emploi d’inhibiteurs de leur synthèse.Leur action sur la croissance des tiges est particulièrement visible lorsqu’on étudie les effets de gibbérellines exogènes sur des mutants nains ou sur des plantes en rosette. Pour ces dernières, leur synthèse peut être induite par un traitement par le froid. La stimulation de la croissance résulte d’une activation de la multiplication et de l’élongation des cellules de l’apex. L’effet sur l’élongation nécessite une interaction avec l’auxine.La dormance embryonnaire de nombreuses graines est levée par un traitement à basse température qui induit la synthèse de gibbérellines. Il en résulte une levée de dormance qui a pour origine l’accumulation d’acide abscissique pendant la formation de la graine. L’entrée et la levée de dormance résultent donc d’une modification des concentrations relatives en acide abscissique et en gibbérellines. Un processus identique commande la dormance et le «débourrement» des bourgeons des plantes pérennes: une élévation de la teneur en gibbérellines au printemps, après action du froid de l’hiver, lève la dormance induite par une accumulation d’acide abscissique en automne.Enfin, le traitement de fleurs non fertilisées par des gibbérellines permet d’obtenir des fruits parthénocarpiques de même volume que les fruits ordinaires; cela est particulièrement net avec les tomates, les pommes et les pêches.Mode d’actionLes hypothèses concernant le mode d’action des gibbérellines sur la croissance découlent d’expériences réalisées sur les grains d’orge. Ces caryopses sont constitués par un embryon à un cotylédon (le scutellum) et par l’albumen; l’ensemble est entouré de trois assises de cellules riches en grains d’aleurone et des enveloppes (téguments et péricarpe soudés). Durant la germination, l’amidon de l’albumen est hydrolysé en sucres solubles réducteurs sous l’action de l’ 見-amylase, qui est une enzyme localisée dans la «couche à aleurone» (travaux de Haberland, 1890). Cependant, si un grain est coupé en deux transversalement, seule la moitié contenant l’embryon produit des sucres réducteurs à partir de l’amidon; l’embryon est nécessaire à la production d’ 見-amylase par la «couche à aleurone».Les gibbérellines seraient le principe inducteur, car en solution elles induisent l’hydrolyse de l’amidon (donc la synthèse d’ 見-amylase) dans la partie du grain dépourvue d’embryon (Yomo et Paleg, 1960).Les gibbérellines, synthétisées, ou libérées à partir de composés inactifs après l’imbibition de l’embryon, induisent une néosynthèse d’ 見-amylase et non pas une activation de molécules enzymatiques préexistantes. Cette néosynthèse s’étend à l’ensemble des enzymes hydrolytiques: protéases, nucléases.Pour expliquer l’influence des gibbérellines sur la croissance, plusieurs hypothèses ont été proposées:– stimulation de la synthèse des protéases ce qui entraîne une augmentation de la teneur en acides aminés (en particulier le tryptophanne, substance mère de l’AIA);– stimulation de la synthèse d’enzymes hydrolytiques telles que les cellulases dont l’action pourrait provoquer une augmentation de la plasticité de la membrane;– stimulation de la synthèse d’enzymes hydrolytiques, ce qui conduit à une hydrolyse importante des réserves, donc à une augmentation de la succion des cellules et par conséquent à un appel d’eau.ApplicationsL’action des gibbérellines, en particulier de GA3, a reçu des applications en agriculture et en horticulture: accroissement de la production fruitière (poires, clémentines); obtention de fruits parthénocarpiques (raisins, clémentines); lutte plus efficace contre la pourriture grise (Botrytis de la vigne) grâce à un desserrement des grappes (fig. 2); augmentation de la teneur en 見-amylase de l’orge utilisé pour la fabrication du malt.L’emploi du CCC, inhibiteur de la synthèse des gibbérellines, permet d’obtenir des céréales à chaumes courts plus résistants à la verse, qu’elle soit d’origine parasitaire ou mécanique; les épillets normalement stériles, situés aux extrémités des épis, deviennent féconds. On l’utilise encore pour favoriser la floraison des fleurs du Camelia et du Rhododendron , la résistance au froid des tomates et la tolérance aux sols salés.
Encyclopédie Universelle. 2012.